Le bras de fer opposant le gouvernement aux syndicats des magistrats a connu, cette semaine, une nouvelle tournure. En plus des multiples violations graves des droits de l’homme occasionnés par cette grève, l’inobservance d’un service minimum par les magistrats grévistes pose un véritable problème de maturité syndicale des dirigeants de cette fronde.
Après près de 80 jours de grèves sans respect du service minimum, garantie par les textes au niveau national et international, le gouvernement s’est vu contraint de prendre la lourde décision de réquisitionner les juges en grève. Une décision qui vise, selon les plus hautes autorités, à écourter la souffrance des populations, qui sont pénalisées par cette grève illimitée. Des secteurs vitaux sont paralysés, au moment où le pays cherche les moyens de sortie d’une crise multidimensionnelle qui frappe le pays, depuis 2012.
Au regard des réactions sur Facebook, malgré la souffrance qu’elle endure (absence d’audiences, pas de délivrance de dossiers judiciaires), l’opinion publique malienne ne semble pas en phase avec ses juges, dont les revendications sont jugées exorbitantes et excessives. Les magistrats, selon plusieurs observateurs, ont manqué de tact en optant pour le radicalisme.
Malgré la légitimité des revendications, les grévistes auraient pu trouver mieux que la grève illimitée, sans service minimum, en évitant d’être dans le collimateur de toute une population. En France par exemple, pour sa récente grève, les cheminots ont adopté la stratégie de la grève tournante. Ils ont fait observer aux travailleurs des cessations de travail tous les 5 jours en fonction d’un planning bien établi et pour une durée déterminée. Cette tactique syndicale des journées d’action a systématiquement fait tache d’huile.
Au Mali, les syndicats de magistrats ont opté pour la méthode suicidaire du « tout ou rien », les prochains jours nous édifieront mieux sur l’issue qui est loin d’être certaine. Comme on le sait, les grands syndicats à travers le monde déconseillent le syndicalisme syndical. Il est toujours conseillé de se contenté d’un peu pour continuer la lutte jusqu’à avoir satisfaction.
C’est pourquoi la posture du tout ou rien adoptée par les magistrats maliens est même décriée au sein de la famille judiciaire et particulièrement des magistrats.
Selon le président du Syndicat autonome de la magistrature, Mohamed Chérif Koné, des magistrats maliens ont posé un acte ‘’embarrassant qui porte atteinte à la liberté syndicale et qui ne manquera pas d’être au cœur de discussion de l’Union internationale des magistrats’’.
Même s’ils ne sont pas encore totalement au niveau de l’ensemble de leurs homologues de la sous-région, les magistrats maliens bénéficient, depuis quelques années, de la part de l’État, un traitement respectable. Ce qui leur a valu la majoration des primes et indemnités ; de la majoration de leurs indemnités de judicature ; de l’augmentation de leurs indemnités de logement ; de l’augmentation de la valeur du point indiciaire ; de la diminution de l’impôt sur les traitements et salaires (ITS) ; de l’augmentation de l’allocation familiale pour les enfants. C’est pour dire que les magistrats figurent incontestablement parmi les mieux traités de la République.
PAR MODIBO KONE
Source: info-matin